Miroir mon beau miroir

Nouvelle-Calédonie, partie 2. 

Bigre, à l’heure de l’obsolescence programmée, je sais que les objets qui nous entourent vieillissent très vite, mais quand même, j’ignorais qu’un simple voyage (certes de 19000 km) pouvait me faire vieillir de plus de 10 ans et me voir confondre avec Jeanne Calment (même si l'on partage le même lieu de naissance) ?
Serais-je victime de la Progeria, cette maladie rare qui provoque une sénescence accélérée de ceux qui en sont atteints ? Non, actuellement, sur le territoire, on parle plutôt d’épidémie de dengue de type 2. 
Alors faisons preuve pour une fois d’esprit scientifique. J’ausculte les causes possibles du duo détumescence et flétrissement qui ne ravage pas seulement les gâteaux au chocolat à leur sortie du four. 
Deux facteurs sont formellement identifiés.   
Le premier : quand on voyage en direction de l’Est, on avance dans le temps, et en raison du décalage horaire Paris-Nouméa, on gagne 10h. OK, 10 heures. Pas 10 ans...
Le second : en vol, l’air sec et la pressurisation qui règnent à l’intérieur de la cabine provoquent peau déshydratée, teint brouillé, grise mine, traits marqués, cernes et poches accentués. D’autant plus si le trajet dure longtemps. Donc serrée que j'étais entre à ma gauche un voisin qui s'appropriait l'accoudoir et confondait bâillements et braillements (une seule lettre les distingue, c'est vrai), et à ma droite un autre qui ronflait avec les jambes étendues à la façon d'un oxer carré de courses de saut d'obstacle, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en quittant l’appareil, je n'étais pas vraiment fraîche.  Et qu'à l’évidence, au lieu de lire boulimiquement Les jours enfuis de Jay McInerney, Télérama, La Revue dessinée et visionner 3 films à la suite pendant le vol, j’aurais mieux fait de fermer les yeux et de suivre les conseils beauté des magazines féminins en achetant le roll culte "Icy magic Polaar 3D"!
Mais JE M'EXPLIQUE pour que les lecteurs de ce blog ne confondent pas cette publication avec une chronique beauté ni un récit de genre fantastique.
Cet après-midi, à la recherche d’un guide des associations locales par une température extérieure de 28°, j’accroche avec peine mon vélo à la grille de la mairie, monte les marches et entre le visage ruisselant dans le hall climatisé. D’un coup d’œil, je scanne les brochures mises à disposition. Rien qui correspond.                                                
Sauf le Guide du P’tit nouméen, mais c’est pas vraiment la tranche d’âge idoine. Je m’adresse aux deux agents en charge de l’accueil du public.
Roulements d’yeux, gonflement des joues, hochements de tête et expiration sonore en réponse. Puis un index levé et donc semble-t-il un idée : l’une des femmes fait pivoter son siège, ouvre un casier et me tend triomphante le Guide 2019 des seniors. Je bredouille une périphrase : « euh, c’est pour les personnes âgées ». Et la fonctionnaire de me répondre « il y a une liste des associations à l’intérieur ». Dubitative, je feuillette et lis à voix haute : « aide à domicile, association des parkinsoniens en Nouvelle-Calédonie... » Les deux agents ne semblent pas comprendre ma perplexité. L’un d’eux finalement me conseille de me rendre à la mairie annexe, située à un carrefour de là. « Il y a le CCAS ». Je quitte la mairie en proie au plus grand trouble. Est-ce parce que j’ai évoqué le temps libre et les loisirs que l’association d’idée « prendre du temps pour soi = senior » a germé dans l’esprit de ces personnels administratifs ?
Je traine mes tongs jusqu’au bâtiment voisin. Et là, ô stupeur, j’ai à peine réitéré ma demande que l’agent qui m’accueille me tend avec empressement la brochure bleue honnie du Guide 2019 des seniors. Je vacille et me répète comme un mantra « corrélation n’est pas causalité, corrélation n’est pas causalité» (merci au Pr. Henri Broch).
Comme je reste plantée face à elle sans bouger et que ça ne doit pas l’emballer, la femme me lance soudain « vous pouvez aller sinon à la Maison des associations, après le lycée La Pérouse, sur la route de l’anse Vata ». Plus le cœur à ça. Plus du tout. Ne nous répète-t-on pas d’ailleurs que le soleil est un facteur important de vieillissement ?
J’enfourche mon vélo et rentre directement à la maison.
Une grave question m’agite en longeant le port autonome (cf. photos) : à quel âge est-on un(e) senior ? En fait, ça dépend. 70 ans pour les professionnels de la santé. 60-65 ans pour les services publics. Plus de 45 ans pour le monde du travail. 23 ans dans certaines disciplines sportives comme l’athlétisme. Age réel. Age social. Age ressenti. Tout se bouscule. Wikipédia ne se mouille pas : « un senior est une personne plus ou moins vieille ».
A Nouméa, les plus de 60 ans représentent seulement 11,6 % de la population.
Je m’imagine déjà participer au cours d’aquagym de la baie des citrons, tendant les bras au ciel, une frite souple vert fluo calée sous les fesses, parmi les nonagénaires bronzés et souriants, galvanisés par les encouragements d’un jeune coach au torse musclé comme sur les couvertures des romans sentimentaux : « Allez, allez ! »
Désenchantée à cette perspective, je trouve momentanément aide et consolation en plongeant une cuillère dans un poé banane (recette en cliquant sur le lien). 
Le second séjour à Nouméa ne débute pas sous les meilleurs hospices auspices...

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le mont Mou (1220m)

Carte de la Nouvelle-Calédonie

Randonnée au pic Ouitchambo